(image : Yannis Youlountas)
Yannis Youlountas, attaqué en Justice, ainsi que Jean-Jacques Rue, par les identitaires de Defend Europe, nous fait part de la défaite de ces derniers en Cours de Cassation (voir notre article relatant leur procès à Nice).
Suite à l’échec de l’expédition anti-migrants en Méditerranée, durant l’été 2017 à bord du navire C-Star, les chefs identitaires espéraient se venger de la riposte antifasciste. Il espéraient aussi empêcher leurs opposants de les traiter de nazis.
DEFEND EUROPE BATTU EN CASSATION ! ✊
GAME OVER POUR LES « NAZILLONS » !
En juillet et août 2017, après un crowfunding financé par le Ku-klux-Klan, une brochette de jeunes hipsters identitaires européens avaient fait le tour de la Méditerranée à bord du navire C-Star pour essayer d’entraver les sauvetages en mer des migrants tentant la traversée.
Aucun état ni aucune institution n’était intervenu pour les empêcher de nuire. Aucun tribunal n’avait condamné les membres de cette sinistre expédition à l’encontre de personnes en situation de détresse. Une seule fois, les responsables du C-Star avaient été interpellés à Chypre, mais bizarrement relâchés alors qu’ils étaient en garde à vue.
Heureusement, durant tout l’été, une forte mobilisation sur toutes les rives avait réussi à saboter ce projet, notamment à l’initiative du réseau antifasciste Defend Mediterranea dont Yannis Youlountas diffusait les communiqués.
De port en port et d’échec en échec, l’expédition raciste était devenue un fiasco, sombrant dans le ridicule le plus total. Le navire C-Star était repoussé à chaque tentative : Égypte, Chypre, Crète, Tunisie, Sicile puis Malte, avant que les chefs de Defend Europe ne se décident à abandonner le navire et à rejoindre l’aéroport de Malte pour rentrer chez eux. Au final, l’équipage identitaire était devenu la risée du monde entier.
[La vengeance des « nazillons »]
Peu après leur retour en Europe, les responsables de l’expédition se réunirent et décidèrent de contre-attaquer en Justice. Le but était de se venger suite à l’échec, mais aussi d’empêcher les antifascistes de les traiter de nazis. En effet, les fascistes d’aujourd’hui tiennent beaucoup à leur respectabilité et sont devenus très procéduriers !
Après avoir étudié les communications de Defend Mediterranea diffusées par Yannis et partagées par de nombreuses personnes dont Jean-Jacques Rue, les fascistes et leur avocat avaient trouvé deux failles pour étoffer leurs poursuites :
– Yannis avait commis une erreur concernant une photo trouvée sur internet qui montrait soit-disant Lorenzo Fiato faisant un salut fasciste. Bien que l’info avait été trouvée par des antifascistes italiens, c’était une erreur de personne. Ce n’était pas Lorenzo Fiato, mais quelqu’un qui lui ressemblait.
– Jean-Jacques, militant antifasciste et ami de Yannis, s’était quant à lui emporté en partageant l’une des publications de ce dernier. Révolté par la violence du projet des identitaires, il avait parlé de contrer les fascistes avec tous les moyens possibles, y compris les plus violents si nécessaire. Le contexte : il avait écrit cela au lendemain de la mort de Heather Heyer, assassinée en marge d’une manifestation de l’extrême-droite américaine où était présent le drapeau des identitaires français. Sa publication étant publique, elle était passible de poursuites pour appel au meurtre.
Bref, en nous attaquant ainsi, les identitaires et leur avocat s’assuraient de gagner au moins sur ces points, à défaut de gagner sur le sujet principal, c’est-à-dire leur vraie préoccupation : empêcher qu’on puisse les traiter de nazis.
[Deux ans et demi de rebondissements]
La joute judiciaire a été longue :
– début de la procédure en octobre 2017 (nous prenons Dominique Tricaud pour avocat, assisté de Matteo Bonaglia) ;
– premier procès en mars 2018 à Nice (victoire pour nous sur l’utilisation du mot nazi) ;
– Robert Timm, Clément Gandelin alias Galant et Lorenzo Fiato décident de faire appel, voulant absolument gagner sur l’utilisation du mot nazi ;
– deuxième étape en septembre 2018 à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (victoire totale de Defend Europe dans une atmosphère très hostile) ;
– nous décidons de tenter la cassation (nous sollicitons Claire Wacquet, avocate spécialisée dans les mémoires pour la Cour de cassation, pour prendre le relais de Dominique et Matteo) ;
– troisième et dernière étape le 28 novembre 2019 à Paris, lors de l’audience par la Cour de cassation.
– la Cour de cassation rend son verdict ce 7 janvier 2020 et casse le jugement précédent sur le point le plus important (victoire définitive pour nous sur l’utilisation du mot nazi).
Au final, les identitaires n’ont réussi à gagner que sur ce qui était prévisible : sur les deux maladresses, mais qui n’ont aucune incidence politique : Yannis s’est trompé de photo, et alors ? Au milieu d’une centaine de communiqués et de publications à ce sujet, c’est le lot de tout le monde de commettre une petite erreur, en l’occurence de ne pas remarquer celle d’un site italien censé mieux connaitre le chef des identitaires italiens. Yannis perd sur ce point, mais cela n’a absolument aucune importance politiquement. Jean-Jacques perd aussi concernant son emportement du fait qu’il était « en mode public » et c’était malheureusement prévisible : il avait déjà perdu sur ce point en première comme en deuxième instance, et cette question n’était même plus étudiée par la Cour de cassation.
La grande question de la Cour de cassation était de savoir si Yannis avait le droit ou pas de traiter les identitaires de nazis. Les plaignants et leur avocat avaient noté à 7 reprises l’emploi de ce terme sous diverses formes. Considérant cela comme une injure, ils avaient relevés les 7 expressions suivantes dans les textes diffusés par Yannis :
1) « Les équipes de Frontex ne veulent pas se faire piquer leur job ni passer pour les petits copains des nazis », le 24/07/2017 dans l’article « L’opération Defend Europe est un fiasco » ;
2) « À suivre quand les nazillons auront fini de jouer à cache-cache chez Papy Erdogan », le 24/07/2017 dans l’article « L’opération Defend Europe est un fiasco » ;
3) « L’amour propre du nazi aurait-il ses raisons que la raison ne connaitrait pas ? », le 27/07/2017 dans l’article « Defend Europe s’enfonce » ;
4) « La croisière nazie s’amuse ! », le 28/07/2017 dans l’article « Defend Europe, des chasseurs de migrants viennent de monter à bord » ;
5) « Fabuleux, un navire d’aide aux migrants envoyé au secours des nazillons en panne ! », le 11/08/2017 dans l’article du même nom ;
6) « Le bateau nazi au pavillon mongol nous fait décidément beaucoup rire ! », le 11/08/2017 dans l’article « Fabuleux, un navire d’aide aux migrants envoyé au secours des nazillons en panne » ;
7) « Les nazillons sont toujours coincés sur leur bateau, après avoir été refoulés partout en Méditerranée », le 19/08/2017 dans l’article « Defend Europe rate son rendez-vous à Lyon ».
Une victoire sur ce point était importante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle était utile dans la perspective d’une interdiction future de l’organisation Génération Identitaire, comme ce fut le cas pour les organisations identitaires antérieures : Unité Radicale puis Bloc Identitaire. Ensuite, cette victoire était précieuse par solidarité avec d’autres personnes poursuivies quelques mois plus tard pour les mêmes raisons par Defend Europe et qui pourront désormais s’appuyer sur une jurisprudence. Enfin, cette victoire était essentielle parce qu’il est tout simplement insensé que des fascistes veuillent nous faire la leçon sur notre façon de qualifier leurs actes odieux et inhumains.
[Un grand merci]
Cette victoire, nous la devons à toutes celles et ceux qui nous ont soutenu et qui nous ont aidés dans ce procès à rebondissements : nombreux soutiens, affluences aux audiences, témoignages au procès, textes et actions de solidarité…
Nous tenons également à remercier nos avocats : Dominique Tricaud assisté de Matteo Bonaglia en première et deuxième instance, puis Claire Wacquet en cassation. Ils ont vraiment été très bons, excellents même, dans un contexte plutôt hostile : pas facile de défendre des anarchistes et antifascistes devant un tribunal, surtout quand ils ne cachent pas leur dégoût pour la Justice bourgeoise !
Avec cette décision définitive de la plus haute juridiction de l’hexagone, le dernier acte de « la croisière nazie » est terminée. Touché-coulé pour Defend Europe en Méditerranée. Game over pour les « nazillons en panne », ces marins d’eau douce qui nous avaient tant fait rire en enchainant les camouflets, notamment en Crète et en Tunisie.
Une victoire de plus pour toutes celles et ceux qui luttent contre le fascisme.
Yannis Youlountas et Jean-Jacques Rue
avec le réseau antifasciste Defend Mediterranea
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PJ : à toutes fins utiles, voici la formulation juridique de cette victoire au sujet de l’emploi du mot « nazi », à certaines conditions.
COUR DE CASSATION, 7 JANVIER 2020 (extrait)
« Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 24 juillet 1881, 1240 du code civil, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
1) En ce que l’arrêt attaqué a dit que M. Yannis Youlountas a commis une faute civile et l’a condamné à réparer le préjudice subi par MM. Clément Gandelin, Robert Timm et Lorenzo Fiato,
2) Alors que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au sens de l’article 10 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme ; que l’ingérence doit s’analyser à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’affaire et en particulier de la qualité de la personne visée, de celle du requérant, de la forme du propos en cause et du contexte de sa publication ; que les termes «nazis» et «nazillons» ont été employés dans des textes parus sur le blog d’un militant antifasciste au style rédactionnel empruntant aussi à la satire, dans le cadre d’un sujet d’intérêt général et d’une polémique publique sur le caractère xénophobe de l’action « Défend Europe » menée en Méditerranée par Génération Identitaire et ses cadres européens, action ayant fait l’objet d’un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme notamment pour provocation à la discrimination raciale ; que ces termes, qui présentent l’inspiration idéologique qui leur était prêtée, n’ont pas, dans ce contexte, excédé les limites admissibles de la liberté d’expression ; qu’ils ne pouvaient dès lors être qualifiés de fautifs, la cassation interviendra sans renvoi”.
Vu l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
Attendu que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de ce texte ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et dire constituée une faute civile à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite engagée du chef d’injures publiques envers des particuliers, l’arrêt énonce en substance que l’emploi, à sept reprises dans cinq articles différents, des expressions « nazis » et « nazillons », qui renvoient à l’idéologie national-socialiste, réprouvée par la loi et par la morale, est outrageant pour les parties civiles ; que les juges ajoutent que M. Youlountas ne peut invoquer le bénéfice de la liberté d’expression ni de la satire, compte tenu des pratiques criminelles inadmissibles du régime nazi et dès lors que son blog, “blogyy.net« , site d’information et d’analyse politique, n’a aucune vocation humoristique et que les propos tenus ne sont pas manifestement outranciers ni, à la première lecture, dénués de sérieux ;
Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que les expressions incriminées, pour outrageantes qu’elles fussent pour les parties civiles, s’inscrivaient dans le débat d’intérêt général sur leur action de lutte contre les opérations de sauvetage des émigrants clandestins en danger pendant leur traversée de la Méditerranée et relevaient du mode satirique choisi par leur auteur, militant antifasciste, pour critiquer cette action, de sorte qu’elles ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que, n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire.»