Nous avons eu accès au Jugement de 152 pages daté du 31 mars 2024 rendu par la 11ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris à propos de l’affaire des assistants parlementaires fictifs du Rassemblement National. Les éléments concernant Marie-Christine ARNAUTU sont rapportés ici, la plupart du temps tels quels.
Dans cette affaire, neuf députés européens sont impliqués, dont Marie-Christine ARNAUTU, et sont poursuivis pour détournement de fonds publics, infraction prévue à l’article 432-15 du code pénal. Douze assistants parlementaires, parmi lesquels Guillaume L’HUILLIER et Gérald GERIN, sont poursuivis pour recel de détournement de fonds publics.
Marie-Christine ARNAUTU fut conseillère municipale de Nice de 2014 à 2020, et préside le groupe FN (puis RN) de ce conseil et du conseil métropolitain. Aux élections européennes de 2014, elle figure en deuxième position sur la liste FN conduite par Jean-Marie LE PEN dans la circonscription Sud-Est. Élue députée européenne, elle est membre de la commission des transports et du tourisme au Parlement européen. Elle prend alors comme assistant Gérald GERIN, majordome de Jean-Marie LE PEN, qui n’a gardé aucune preuve de son travail et avance avoir fait pour elle des revues de presse. En , le parquet requiert contre Marie-Christine ARNAUTU, 18 mois de prison dont 12 avec sursis, 50 000 euros d’amende, 3 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire.
Détails des contrats en question
Les députés élus sont déclarés coupables de détournements de fonds publics. Leurs assistants parlementaires sont corrélativement déclarés coupables de recel. Les fonds détournés ont en partie été utilisés afin de rémunérer la garde rapprochée de Jean-Marie LE PEN, président puis président d’honneur du parti : par exemple Gérald GERIN ou encore Guillaume L’HUILLIER, son chef de cabinet.
Gérald GERIN devenait, à partir du 4 décembre 2014, APA (Assistant Parlementaire Accrédité) de Marie-Christine ARNAUTU. Guillaume L’HUILLIER signait des contrats d’assistant parlementaire avec Bruno GOLLNISCH puis avec Marie-Christine ARNAUTU (du 18 janvier au 28 octobre 2016 puis du 28 octobre au 31 décembre 2016).
Lors du procès, les préjudices mentionés concernent le cas Jérôme L’HUILLIER (contrat du 18/01/2016 au 28/10/2016, temps plein à 4918€ puis 5317€ brut/mois (APA) soit un total de 67 277,44€). Puis contrat du 28/10/2016 au 31/12/2016, temps partiel (90%) à 5375€ puis 6413€ bruts par mois à compter du 01/09/2017, soit un total de 14 697,72€), mais aussi le cas Gérald GERIN (contrat du 04/12/2014 au 31/12/2015, temps plein à 4803€ bruts par mois (APA), soit 87 600,92€ (mais recouvrés le 12/02/2021). Puis du 04/01/2016 au 31/12/2016, temps partiel (75%) à 5698€ bruts par mois (APL – Assistant Parlementaire Local), soit 104 903,28€).
Situation de Marie-Christine Arnautu
Amie fidèle de Jean-Marie LE PEN, elle a accepté d’engager comme assistant parlementaire au cours de la 8ème législature deux très proches membres de la garde rapprochée de ce dernier, Gérald GERIN (notamment du 4 décembre 2014 au 31 décembre 2015, Contrat pour lequel elle est poursuivie et déclarée coupable comme auteur principal) et Guillaume L’HUILLIER (20% avec Bruno GOLLNISCH et Jean-Marie LE PEN), respectivement assistant personnel et chef de cabinet du président d’honneur du parti. Marine LE PEN et le RN ont néanmoins été relaxés pour les faits de complicité et de recel concernant les trois derniers contrats signés par Marie-Christine ARNAUTU en 2016 (Marie-Christine ARNAUTU/Guillaume L’HUILLIER du 15 janvier au 28 octobre 2016 puis du 28 octobre 2016 au 1er septembre 2017 (fin de période de prévention 31/12/2016) ainsi que Marie-Christine ARNAUTU/Gérald GERIN (à temps partiel avec Jean-Marie LE PEN) du 4 janvier 2016 au 30 juin 2019 (fin de période de prévention 31/12/2016) ; Marie-Christine ARNAUTU n’avait pas été mise en examen ni renvoyée pour ces 3 contrats, seul Marine LE PEN et le RN étaient renvoyés pour complicité et recel) avec Guillaume L’HUILLIER et Gérald GERIN. Le tribunal a en effet considéré qu’à cette date, Jean-Marie LE PEN n’étant plus président d’honneur du parti dont il avait été exclu, si ces nouveaux contrats pouvaient être fictifs, il n’était pas pour autant établi qu’ils s’inscrivaient dans le cadre du système en place au FRONT NATIONAL et non dans celui d’un « arrangement » entre Marie-Christine ARNAUTU et Jean-Marie LE PEN, qui n’avaient ni l’un ni l’autre été mis en examen ni a fortiori poursuivis au titre de ces contrats.
Peine individuelle
Marie Christine ARNAUTU, née le 19 octobre 1942 à Paris, est âgée de 83 ans. Elle est divorcée depuis 1986 et mère de trois enfants.
Marie Christine ARNAUTU a déclaré avoir travaillé entre 1973 et 1975, en qualité de secrétaire de Jean-Marie LE PEN. Entre 1975 et 2010, elle a travaillé chez AIR FRANCE, où elle a gravi les échelons, jusqu’à devenir directrice des ventes. En octobre 2011, elle intègre l’équipe de campagne de Marine LE PEN en CDD. Elle figure sur les organigrammes du FN en janvier 2011 comme vice-présidente chargée des affaires sociales et sur celui de 2015 comme viceprésidente à l’administration interne. Entre avril 2014 et juin 2020, elle est conseillère municipale de Nice. Députée européenne entre 2014 et 2019, elle ne se représente pas. Elle est aujourd’hui retraitée. Elle vit seule et s’occupe de ses petits-enfants. Elle perçoit sa retraite Air France et une pension mensuelle de 5.100 euros. Elle déclare ne pas avoir de patrimoine. Son avis d’imposition 2023
fait apparaître 67 783 € de pension de retraite. Concernant ses charges, un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 21 mai 2024, l’a condamnée à payer 24 690, 82 € à son bailleur, échelonnés sur 23 mensualités de 400 €. Son loyer est de 1077 €. Le casier judiciaire de Marie Christine ARNAUTU ne porte mention d’aucune condamnation. Marie Christine ARNAUTU est accessible au sursis conformément aux dispositions des articles 132-29 et suivants du code pénal. Le procureur de la République a requis à son encontre une peine d’emprisonnement de 18 mois, dont 12 mois assortis du sursis simple ainsi qu’une peine d’amende de 50 000 euros et une
peine d’inéligibilité d’une durée de trois ans, assortie de l’exécution provisoire. En application des considérations communes et des critères de détermination des peines ci-dessus explicités au chapitre I, le tribunal prend en considération la qualité de député de Marie
Christine ARNAUTU au moment des faits, le montant des fonds détournés à travers le contrat fictif pour lequel elle est déclarée coupable (87 600 euros) et la durée de ce contrat (13 mois).
Il tient compte également du remboursement intégral des salaires indus au Parlement européen intervenu le 12 février 2021.
Ainsi, compte-tenu des éléments ci-dessus énoncés, le tribunal estime que le prononcé d’une peine d’emprisonnement est rendu indispensable, toute autre sanction étant inadaptée à prévenir
la réitération de faits délictueux. Le tribunal condamne donc Marie Christine ARNAUTU à la peine de dix-huit mois d’emprisonnement qui sera entièrement assorti du sursis simple. Une amende d’un montant de 8 000 euros dont 3 000 euros avec sursis, proportionnée à sa situation, sera également prononcée à son encontre Enfin, outre la motivation générale développée au chapitre I, ces faits ayant causé une atteinte aux valeurs démocratiques qu’elle devait incarner, afin de la sanctionner des infractions
commises durant l’exercice de son activité de député, une peine d’inéligibilité d’une durée de trois ans sera prononcée à son égard.
Condamnation
Le Tribunal déclare ARNAUTU Marie-Christine coupable des faits réprimés sous la prévention de :
SOUSTRACTION, DETOURNEMENT OU DESTRUCTION DE BIENS D’UN DEPOT PUBLIC PAR LE DEPOSITAIRE OU UN DE SES SUBORDONNES (coupable pour le tout) entre le 4 décembre 2014 et le 31 décembre 2015 (à l’exception du 2 au 20 novembre 2015) à RUEIL-MALMAISON, NANTERRE, SAINT-CLOUD, STRASBOURG, ILE DE FRANCE et de manière indivisible à BRUXELLES en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription.
A TITRE DE PEINES PRINCIPALES :
CONDAMNE ARNAUTU Marie-Christine à un emprisonnement délictuel de DIX-HUIT MOIS ; Vu l’article 132-31 al.1 du code pénal ; DIT qu’il sera totalement sursis à l’exécution de cette peine, dans les conditions prévues par cet article ; Conformément à l’avertissement prévu à l’article 132-29 du code pénal, ARNAUTU Marie-Christine est informée, par la présente décision, que si elle commet une nouvelle infraction, elle pourra faire l’objet d’une condamnation qui sera susceptible d’entraîner l’exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu’elle encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-
10 du code pénal.
CONDAMNE ARNAUTU Marie-Christine au paiement d’une amende délictuelle de huit mille euros (8000 euros) dont trois mille euros (3000 euros) avec sursis ;
Par la présente décision, ARNAUTU Marie-Christine est informée que si elle s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20% sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros.
Le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours. Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de demander
la restitution des sommes versées.
A TITRE DE PEINE COMPLEMENTAIRE :
PRONONCE à l’encontre de ARNAUTU Marie-Christine, la privation de son droit d’éligibilité pendant TROIS ANS ;
Marie-Christine ARNAUTU est condamnée, avec 23 autres protagonistes et le RASSEMBLEMENT NATIONAL à payer au Parlement européen la somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Marie-Christine ARNAUTU est condamnée à payer au Parlement européen la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
Relaxes
Des relaxes partielles ont été prononcées pour le contrat Gerald GERIN/Marie-Christine ARNAUTU et Jean-Marie LE PEN du 4/01 au 31/12/2016, ainsi que pour le contrat Guillaume L’HUILLIER/ Marie-Christine ARNAUTU du 18/01 au 28/10/2016, et le contrat Guillaume L’HUILLIER/ Marie-Christine ARNAUTU du 28/10 au 31/12/2016. Le tribunal a considéré que, après l’exclusion de Jean-Marie LE PEN du parti, il n’était pas établi dès lors que ces contrats s’inscrivaient dans le cadre du système mis en place pour alléger les charges du parti.
La Cour rejette la demande de condamnation solidaire du Parlement européen (81 975,16 euros) au titre des contrats conclus entre Marie-Christine ARNAUTU et Guillaume L’HUILLIER du 18 janvier 2016 au 28 octobre 2016, puis du 28 octobre 2016 au 31 décembre 2016 compte tenu des relaxes intervenues au titre de ces contrats ; Elle rejette également la demande de condamnation solidaire du Parlement européen (104 903,28 euros) au titre du contrat conclu entre Marie-Christine ARNAUTU Jean-Marie LE PEN et Gérald GERIN entre le 4 janvier 2016 et le 31 décembre 2016 compte tenu des relaxes intervenues au titre de ce contrat.