Action commune aux frontières intérieures le 6 décembre 2025

10 ans de rétablissement des contrôles aux frontières par la France
10 ans de droits bafoués des personnes exilées

À l’occasion de cette fin d’année 2025, qui marque le dixième anniversaire du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures en France, des associations et collectifs se mobilisent ce 6 décembre pour dénoncer les conséquences d’une politique attentatoire aux droits des personnes exilées.

Depuis novembre 2015, les autorités françaises ont, sans cesse, renouvelé abusivement les contrôles à toutes les frontières intérieures terrestres et aériennes, faisant ainsi exception au principe de liberté de circulation dans l’espace Schengen. En contradiction avec le droit européen, qui, dans sa réforme de 2024, limite la durée maximale du rétablissement des contrôles à deux ans, avec une possible prolongation de deux fois six mois dans des cas exceptionnels, la France a réintroduit les contrôles en continu depuis 10 ans.

Quotidiennement, à Menton, Montgenèvre, Hendaye, Modane et Cerbère, ou encore dans les aéroports, les forces de l’ordre françaises contrôlent l’identité des personnes entrant sur le territoire. Dans la plupart des cas, ces contrôles ciblent de manière discriminatoire les personnes perçues comme migrantes, en raison de leur apparence, de leur couleur de peau ou de leur tenue vestimentaire.

Nos associations, engagées pour le respect des droits fondamentaux sur ces territoires et espaces, constatent qu’en plus de ces contrôles au faciès illégaux, les personnes exilées subissent de nombreuses violations des droits : enfermement illégal, violation du droit d’asile, non-respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Nos observations menées aux frontières depuis plusieurs années ainsi que le recueil des témoignages des personnes renvoyées, notamment en Espagne, en Italie, ou en Grèce depuis les aéroports, aboutissent toujours au même constat : le renvoi vers le pays européen de provenance prime sur le respect des droits fondamentaux.

Des exemples récents illustrent cette triste conclusion. En octobre dernier, à Montgenèvre, une jeune femme, de nationalité érythréenne, accompagnée de son bébé, a été refoulée à trois reprises en Italie alors qu’elle avait demandé l’asile en France. À Menton, des personnes témoignent quotidiennement de conditions de privation de liberté indignes, de l’absence de notification des droits et de remise des documents administratifs, y compris pour des mineurs isolés qui doivent pourtant faire l’objet d’une protection spécifique. Les rapports de visite des locaux de privation de liberté à Modane, Menton et Montgenèvre de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, publiés le 6 novembre dernier, sont édifiants quant à l’indignité de l’enfermement à cette frontière et au non-respect des droits des personnes. À la frontière franco-espagnole, les forces de police ont elles-mêmes indiqué, en juillet 2025, qu’il leur était demandé de ne pas respecter les règles pour pouvoir « gagner en efficacité dans la lutte contre l’immigration clandestine »[1]. Dans les aéroports, les personnes en provenance de villes européennes (principalement italiennes, espagnoles et grecques) sont enfermées illégalement dans les zones d’attente dans des conditions indignes.

Depuis 2015, ces personnes victimes de ces pratiques subissent des traumatismes physiques et psychologiques. Cette politique a des conséquences mortifères : au moins 73 personnes exilées sont décédées depuis 2015, aux frontières franco-italienne et franco-espagnole, selon les associations et collectifs agissant localement. Une estimation en-deçà de la réalité et qui ne prend pas en compte les personnes disparues, notamment dans les montagnes ou pendant leur parcours d’exil. Autant de personnes qui n’ont eu d’autre choix que d’emprunter des voies toujours plus dangereuses.

Aujourd’hui, nous réitérons notre appel à une politique respectueuse des droits humains aux frontières, et demandons notamment :

  • La fin des contrôles discriminatoires ;
  • Le respect effectif du droit d’asile ;
  • La protection des enfants ;
  • La fin de l’enfermement aux frontières ;
  • La fin des contrôles illégaux aux frontières intérieures.

Le 6 décembre, à 11h, associations et collectifs engagés localement aux frontières, rendront visible ce triste anniversaire et cet appel, à Menton, Montgenèvre, Modane, Le Perthus, Hendaye et à Roissy.

Associations signataires :

Amnesty International France

La Cimade

Médecins du Monde

Médecins Sans Frontières

Anafé

 

Associations de la frontière franco-italienne :

Mouvement Citoyen Toutes et Tous Migrants

Sentieri Solidali Oulx

Roya Citoyenne

Emmaüs Roya

Caritas Intemelia

Diaconia Valdese

AdN – Association pour la démocratie à Nice

LDH Section de Nice

Pays de Fayence Solidaire

Syndicat des Avocats de France

Passerelles en Maurienne

WeWorld Onlus

 

Association de la frontière franco-espagnole :

Fédération Etorkinekin Diakité

Ongi Etorri Errefuxiatuak

Mugak Zabalduz

Mouvement pour la Paix

ASTI 66

MRAP 66

Ànima Mater

Càritas Portbou

Col·lectiu Hourria

Coordinadora Obrim Fronteres

[1] Médiapart, 25 juillet 2025 : « À Hendaye, des exilés enfermés près de 18 heures dans les locaux de la police aux frontières ».