Il y a un peu plus d’un an, nous avions légèrement et provisoirement modifié le nom de notre association à l’occasion du second tour des élections législatives – afin de sauver ce qui pouvait être républicain à Nice et dans le reste du 06. Les mouvements déclarés d’extrême-droite (RN, UDR) auront finalement raflés 6 postes de députés sur les 9 – les 3 derniers étant tombés dans l’escarcelle de ce qui restait d’une droite en lambeaux, et dont les positions à l’Assemblée Nationale sont difficilement distinguables de la brutalité quotidienne de leurs concurrents bleu-marine. D’ailleurs, Greg Monnetti, le fidèle estrosien qui propose dans sa longueur ce qu’il ne possède pas en épaisseur, refusa même tout net de se désister au second tour au profit du candidat NFP, Olivier Salerno, dans la première circonscription, offrant ainsi à l’ennemi juré (?) de son maître un nouveau sit-in version DeLuxe et pour cinq ans au Palais Bourbon.
Il est intéressant de voir à quel point les gesticulations du député de la 1ère circonscription feraient passer le maire de la cinquième ville de France pour un droitard modéré. Cette idée fait son chemin dans l’opinion publique. Et pourtant, il n’en est rien. Les velléités sont similaires : s’en prendre aux pauvres, aux étrangers (de préférence de couleur et/ou fantasmés musulmans), bref à tous ceux et toutes celles pouvant gravement dénoter dans la smart-city que nos édiles successifs ont souvent imaginée joindre Cannes et Monaco. Le fameux chaînon manquant d’une gourmette en or massif.
Etablir un historique non-exhaustif de la discrimination à Nice est une tâche impossible, mais vous pouvez cependant vous reporter à ce texte de juin 2024 pour une petite mise en bouche. En ce qui concerne Christian Estrosi, nous pouvons nous rafraîchir la mémoire, par exemple, en mentionnant la manifestation anti-immigration début décembre 1997, organisée par un Jacques Peyrat que toute la droite RPR-UDF trouvait infréquentable 30 mois auparavant. Christian Estrosi était là, battant alors pavillon RPR, sous la banderole commune « La France se mérite ». Il faut dire que quelques années auparavant (mars 1993), ledit Estrosi, alors député, envoyait un courrier à ses administrés afin de s’insurger contre l’incendie criminel ayant ravagé la boucherie « Islam Viande » dans le quartier Notre-Dame. Le législateur ne comprenait pas en effet que l’on ait pu laisser ouvrir un tel commerce qui ne pouvait qu’amener l’insécurité dans le quartier. Que dire enfin du ridicule millésime 2013/2014, avec un arrêté anti-drapeaux étrangers pendant le mondial de foot ou celui « anti-bivouac » qui visait si peu discrètement les populations roms. Et ce ne sont là que quelques exemples.
En juillet 2025, le motodidacte s’offre donc une nouvelle sortie de piste, relayée sur deux pages dans le quotidien local Nice-Matin. Nous laisserons les associations oeuvrant dans l’aide aux toxicomanes commenter la décision de fermer la rue Tiranty. La vision d’Estrosi sur la problématique de la drogue ressemble à s’y méprendre à celle de Peyrat, en son temps, à propos de l’immigration : « c’est comme la poussière, je ne peux que la déplacer » (conseil municipal du 8 mars 1996).
Parallèlement à cela, concernant les abords de l’église du Voeu, une ligne rouge est à nouveau franchie en plein virage avec les propos du maire sur les demandeurs d’asile qui n’ont d’autre choix que de rester là durant la journée avant de retourner dormir le long de ce monument religieux : les services de l’Etat et le 115 n’ont aucune proposition d’hébergement pour eux. Après la tentative infructueuse, menée médiatiquement par Anthony Borré, de montrer les biceps face à ces populations vulnérables en juin 2023, Christian Estrosi annonce donc ce 16 juillet dans Nice-Matin que le petit jardin arboré attenant sera prochainement engrillagé afin de bloquer l’accès à l’église le soir, et que des balançoires seront installées sur la Bourgada afin de chasser pour la journée ces quelques personnes fatiguées qui y cherchent l’ombre. La justification donnée par le maire est absolument sidérante : « Les gens ne supportent plus de voir des étrangers s’approprier les lieux destinés aux Niçoises et aux Niçois ». Qu’attend Christian Estrosi ? On sourit presque à l’idée que la coulée verte soit désormais interdite aux touristes… Est-ce sa récente garde à vue qui le rend si nerveux ? A-t-il peur d’être lui-même prochainement engrillagé ? Hallucine-t-il dans la coulée verte une preuve délirante du grand remplacement ? Plus sérieusement, pourquoi servir dans la presse locale le biberon CNewsien qui a si bien nourri le meurtrier raciste de Puget-sur-Argens ou les ratonneurs identitaires dont le mouvement héritier du GUD fut littéralement mis au monde dans notre ville ? Il n’est pas acceptable de voir un élu attiser les haines de la sorte, désigner à la vindicte populaire un groupe d’hommes et de femmes parfaitement en règle et dont le seul crime est d’attendre une réponse de l’administration à leur demande d’asile. Qu’attend Christian Estrosi ?
Pendant que les grillages s’élèvent et que les balançoires deviennent les instruments incontournables de la politique migratoire municipale, le grand Théâtre de Nice voisin, malgré sa destruction, poursuit sa saison : toujours plus de sécurité spectacle, toujours moins d’humanité à offrir et partager. On imagine déjà la prochaine mesure : des palmiers augmentés détectant les accents étrangers ou des bancs-tasers électrocutant les sans-abri après 20h.
A Nice comme à Matignon, si réarmement il y a, il doit être politique, moral et solidaire. Nice n’est pas condamnée à demeurer la vitrine glamour de la xénophobie et de l’inhumanité. Alors que certains transforment chaque fontaine et chaque square en poste frontière, nous réaffirmons qu’il est possible de bâtir une ville hospitalière, solidaire et digne ; une ville qui ne cède ni à la peur, ni à la haine, ni à la brutalité d’apparat. Bref, une ville d’où Christian Estrosi et Eric Ciotti seront bénéfiquement absents.